Dépister précocement les situations de prédiabète est un challenge… Excellente nouvelle, la Caisse nationale d’Assurance-maladie (CNAM) met le cap sur la prévention !
Les explications du Pr Paul Valensi, diabétologue à l’hôpital Jean-Verdier, Bondy.

« Les examens réalisés bien avant la découverte du diabète de type 2 (DT2), comportent souvent des anomalies glycémiques négligées (hyperglycémie à jeun, HbA1c élevée…). Prises en charge, elles auraient pu éviter l’évolution vers le diabète avéré ! », rappelle en préambule le Pr Valensi.
Le groupe européen IMAGE préconise deux approches de dépistage (1)
– En population générale, toute opportunité est bonne pour dépister prédiabète et diabète (Journée mondiale du diabète, actions régionales, etc.). Le score FINDRISK validé en population française (D.E.S.I.R

[2]) évalue le risque de diabète à 10 ans. S’il est élevé, un dosage de la glycémie à jeun (GAJ) s’impose.
– En population ciblée (obésité, HTA, antécédents familiaux de DT2) le FINDRISK est aussi très utile pour dépister le DT2. Il a même montré (3) sur une grande cohorte française de patients obèses ou en surpoids sa capacité à repérer les patients ayant déjà un DT2 ou un prédiabète (si FINDRISK >14). En outre plusieurs études (dont une dans le service du Pr Valensi [4]), montrent l’intérêt d’une charge orale en glucose (COG) par rapport à la GAJ (3 fois plus d’anomalies dépistées). En cas d’antécédents cardiovasculaires, tout particulièrement chez le coronarien, la COG est également recommandée (5). Autre situation où la COG a d’emblée un intérêt : « Après un diabète gestationnel, une COG est recommandée au 6e mois de post-partum ! rappelle le Pr Valensi. L’information rigoureuse de la patiente et de ses soignants sur l’importance du dépistage a démontré son efficacité dans l’étude IMPACT (6) menée en Seine Saint-Denis ».
« Attention à la glycémie capillaire, faussement rassurante, met en garde le Pr Valensi. Mesurée n’importe quand, elle n’exclut pas le diabète si elle est normale. Prescrire une GAJ, une COG ou un dosage de l’HbA1c permet de repérer beaucoup plus d’anomalies ! ». Son équipe a présenté un poster fin mars au congrès de la SFD (une étude de dépistage à l’initiative de l’ARS IdF, sur plus de 5000 sujets, la plupart avec plusieurs facteurs de risque de DT2 : seuls 1 % ont une anomalie de la glycémie capillaire).
Quid du dosage de l’HbA1c ?
Un dosage d’HbA1c anormal conforte le diagnostic de DT2 et de prédiabète s’il s’associe à des anomalies glycémiques. « Chez le sujet obèse ou en surpoids nous avons montré que l’HbA1c est souvent élevée, sans être bien superposable aux anomalies de GAJ et de la COG (4). Elles repèrent des patients différents », note le spécialiste.
Enfin, l’HbA1c permet le diagnostic différentiel entre un diabète préexistant et une hyperglycémie de stress : dans le syndrome coronaire aigu (une recommandation SFD et SFC (5) indiquent qu’une HbA1c ≥ 6,5 % pose le diagnostic de DT2), mais aussi dans des situations péri-opératoires (une recommandation SFD + SFAR est en cours).

Cap sur la prévention
Parmi les nombreuses actions menées dans le 93, le Pr Valensi retient celle sur les prédiabétiques qu’il a coordonnée avec le réseau DIANEFRA 93, soutenue par l’ARS : « C’est une des rares expériences françaises du lifestyle intensif qui a démontré dans des études internationales sa capacité à réduire de 60 % le passage du prédiabète au diabète. Convaincre la personne dépistée – qui se sent en pleine forme — de rentrer dans une démarche de prévention, évaluer sa motivation et la soutenir est déterminant si l’on veut qu’elle participe vraiment aux séances ! ».
Le travail d’une commission CNAM à laquelle participe le Pr Valensi sur l’opportunité et l’élaboration d’un programme de prévention du DT2 en France porte ses fruits : le programme débute mi-2017 dans 3 départements pilotes (Seine Saint-Denis, Bas-Rhin et Réunion). CNAM et ARS sont sur les starting-blocks (protocole, cahier des charges, institutions et partenaires, appel à candidats…). L’hôpital Jean Verdier et DIANEFRA souhaitent s’impliquer et aider à recruter les 3000 personnes attendues sur le 93 en 1 an. L’approche diététique et l’activité physique, efficaces au stade du prédiabète, seront mises en place au moins 1 an, avec de l’éducation thérapeutique et un accompagnement.

« L’Assurance-maladie a compris l’importance de la prévention et du dépistage et c’est très enthousiasmant ! » conclut le Pr Valensi.

Source : Le quotidien du médecin