Mesures de transformation du système de santé, démarrage de la télémédecine, avis du Comité consultatif national d’éthique sur la révision de la loi bioéthique, réunion de la commission conventionnelle paritaire nationale des biologistes, rapports des inspections IGF-IGAS et de l’Autorité de la concurrence sur la biologie médicale (BM) : après un été caniculaire, la reprise de septembre devait être chaude en décisions cruciales.

Un peu moins jupitérien qu’à l’accoutumée – après un été, pourri par les affaires qui l’ont malmené, et un fléchissement de la croissance économique aggravé par le retour de l’inflation, Emmanuel Macron, Président de la République et Agnès Buzyn, ministre de la Santé, toujours en poste, vont dévoiler un train de mesures ambitieuses destinées à refondre pour plusieurs années l’organisation du système de santé sur le mode du parcours des soins coordonnés des patients et du virage ambulatoire inscrit dans la stratégie nationale de santé (SNS). Ce qu’a confirmé, fin août, le message de la ministre lu, par Cécile Courrège (DGOS), depuis la tribune des rencontres de La Baule des Unions régionales des professions de santé (URPS). Attendue ? Une vraie place pour la BM dans les parcours de soins.

Du virage numérique, les Français vont découvrir un aperçu concret des premiers changements avec le déploiement de l’une des applications phare de l’e-santé qui les préfigure toutes : celui de la télémédecine. Au jour J, samedi 15 septembre 2018, l’innovation va progressivement entrer en vigueur dans les cabinets médicaux. Ouverte à l’ensemble des patients, une première étape va se circonscrire aux téléconsultations réalisées à distance par vidéotransmission sécurisée entre un patient (éventuellement assisté d’un professionnel de santé) et un médecin dit « télé consultant ». Ces actes vont donner droit à des facturations prises en charge par l’assurance maladie. Le feu vert vient d’être donné par arrêté paru au Journal officiel (JO) du 10 août 2018 officialisant l’accord conventionnel (avenant n° 6 à la convention médicale) signé entre tous les syndicats de médecins libéraux et l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) de Nicolas Revel qui dirige aussi la CNAMTS. À partir de février 2019, le dispositif va s’étendre aux actes de télé expertise.

Autre terrain propice aux innovations réglementaires mi-septembre avec l’avis du comité consultatif national d’éthique (CCNE) sur les évolutions des conditions d’exercice, dans la perspective de la réforme de la loi bioéthique prévue début 2019, notamment en matière de géno-mique. Son avis a déjà été différé, alors que sous un angle plus juridique, celui mitigé du conseil d’État, l’a finalement précédé, le 11 juillet. L’enjeu est périlleux a expliqué Jean-François Delfraissy, président du CCNE, aux députés qui l’ont auditionné le 25 juillet, « Il s’agit de préserver les valeurs de l’éthique à la française (non marchandisation du corps humain, des organes et des gamètes) mais en même temps de faire évoluer le corpus éthique puisque la technologie nous y pousse». Tel que, par exemple, l’encadrement de l’intelligence artificielle (IA) dans l’aide au diagnostic, dans la prise de décision médicale, etc. Des modifications d’exercices sont aussi à attendre de l’accessibilité au séquençage de l’ADN (mondialisée via Internet) associé à des données individuelles par tests génétiques permettant de visualiser le matériel chromosomique d’un individu. Avec les recherches sur l’embryon surnuméraire qui génère des cellules souches embryonnaires démultipliées (embryons chimériques) s’annonce « une révolution thérapeutique majeure dans les 5 ans, et dont les premiers essais ont commencé avec le remplacement d’organes tels que les épaules, les genoux, le traitement des dégénérescences rétiniennes, etc. ». « L’enjeu sur les cellules souche embryonnaires n’est plus de s’interroger sur leur provenance, puisqu’elles répondent à de nouvelles définitions, mais sur ce que la recherche veut en faire », dit-il. Jusqu’où aller ? Quelles interdictions édicter ? À la clé se joue le sort de la recherche en France dans ce domaine. Il l’assure : « le changement du corpus éthique sur lequel se prononceront les Parlementaires va conditionner des bouleversements dans toutes les sphères du système de santé ».

La biologie : à la croisée des chemins
Plus immédiates, vont être les transformations de l’organisation du système santé, dont le chantier, qui a été ouvert en mars avec les 5 pilotes installés par Agnès Buzyn pour dresser le diagnostic, devrait déboucher sur des annonces de la part d’Emmanuel Macron. Certaines devraient se traduire par des mesures dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) qui, actuellement en plein chantier préparatoire, est en quête de 2,01 milliards d’euros d’économies sur les dépenses de l’assurance maladie pour 2019. À la clé ? Le positionnement qui sera réservé au monde de la biologie médicale (BM) ? Soit une place centrale dans la coordination des soins en restant de proximité en première ligne avec les équipes de soins pour accompagner la réforme comme la profession le souhaite ? Soit reléguée aux mains d’industriels ? « Nous sommes à la croisée des chemins, estime François Blanchecotte, président du syndicat des biologistes (SDB). Nous avons tout fait pour démontrer que la population a besoin d’une BM à visage humain à même de prendre les décisions au lieu des machines».

La CCPN ne s’était pas réunie depuis 7 ans
Missionnés à l’instigation d’Agnès Buzyn et de Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, les inspections de l’IGF et de l’IGAS doivent rendre leur copie qui devrait, a priori, dire si elles estiment que les mesures d’efficiences à prendre sur la BM sont épuisées où s’il y a lieu de récupérer encore plus de marges financières sur son dos.

D’autres recommandations, sont également en attente depuis le… 15 juin.

Celles sur le volet biologie sur lequel s’est auto saisie l’Autorité de la concurrence dans son enquête sectorielle sur le médicament et la BM en l’ayant axé sur l’indépendance du biologiste médical, les règles territoriales d’implantation, le capital des LBM.

Mais un début de réponse, favorable est tombé cet été. Il provient, du côté d’où on ne l’attendait pas, c’est-à-dire de celui du rapport « charges et produits » qui, réalisé chaque année pour inspirer les mesures d’économies du PLFSS de l’année suivante, a été adopté le 5 juillet, par l’institution qui se nomme maintenant la Cnam (caisse nationale d’assurance maladie) – au lieu du terme CNAMTS supprimé comme nous l’apprend l’avenant n° 6. «Ce rapport est exceptionnel, se félicite François Blanchecotte, il suggère toutes les pistes à mettre en œuvre pour une vraie coordination des soins et une vraie prise en charge des patients » (voir le focus). Dans ce contexte favorable va se tenir mardi 11 septembre au siège de la Cnam à Montreuil, la commission conventionnelle paritaire nationale (CCPN). Une première ! L’instance de pilotage, de la convention des biologistes avec l’assurance maladie, ne s’était plus réunie depuis 7 ans ! Sur la table : la résolution du contentieux sur la prise en charge des actes de biologie médicale délocalisée (BMD)

[1], l’implication dans les actions de prévention et de dépistage enclenchées avec l’hémochromatose et l’insuffisance rénale chronique (IRC), les modalités de rémunération de l’introduction des données de BM dans le DMP, la diversification des modes de rémunération telle que la rétribution au biologiste d’un entretien de prévention avec le patient, le nombre de détermination du groupe sanguin à prendre en charge, etc.
S. Benaderette

source: Option Bio